lundi 8 avril 2013

Damien Saez @ Salle des Fêtes - Thônex, 5 avril 2013

Certains critiquent sa façon de chanter, d'autres taxent son discours d'opportunisme. Il vomit sur la société de consommation, les inégalités, la finance, la religion, bref, tout ce qui est critiquable. Cela dit, Damien Saez n'est sur aucun plateau, aucune radio, dans aucun journal, il donne rarement des interviews. Pourtant, les salles de concert sont pleines. Un artiste engagé peut-il avoir du succès ? Je pense que c'est là le point qui dérange le plus les anti-Saez. Sa critique est violente, mais s'engage-t-il lui-même pour faire changer les choses ? Si tel est le cas, Damien Saez ne s'en vante pas.

A la lumière de ce concert, mon avis est partagé. Je précise que c'est la troisième fois que je le voyais en concert après Paleo 2002 et les Docks en 2010. Il est certain que Damien Saez a un indéniable talent de composition. Musicalement, son concert est en tout point réussi et ses musiciens sont d'un très bon niveau. Tant sur les titres les plus violents que sur ceux plus calmes, ses acolytes assurent et j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir durant ces 2h30 de concert. J'ai eu par contre beaucoup de peine sur les trois premiers titres que Damien Saez a joués seul à la guitare en introduction du concert. Les chansons à textes passent en fin de concert, comme ce fut d'ailleurs le cas avec "Châtillon-sur-Seine". Mais en intro, ce fut vraiment long et pénible.

Le pire restait cependant à venir avec ces insultes anticapitalistes aussi inutiles que grotesques au milieu de l'excellent "Ma petite couturière". C'est bien là le point qui me chagrine le plus chez Damien Saez. Je lui suis depuis "Jours étranges" qui date de 1999. A l'époque, Damien Saez a 22 ans. Aujourd'hui, il en a 36 et son discours n'a quasiment pas évolué. S'il est vrai que les bouleversements de la société ne lui ont pas vraiment donné tort sur le fond, la forme tend désormais à la caricature. Chanter que la France est un pays d'enculés ou scander "Banquiers, enculés !" à quelque chose de post-adolescent franchement risible et ridicule lorsqu'on est bientôt quadragénaire. J'en veux ainsi à Damien Saez de céder à la facilité, car sa discographie est composée de petits bijoux de poésie. Lui qui réclame à cor et à cri de l'esprit critique, de l'intelligence, ne donne pas à son public matière à réflexion dans ses chansons les plus engagées. Il livre ses coups de gueule de manière brutale, directe, sans un second niveau de réflexion plus "philosophique". A de trop rares exceptions près ("Jeunesse, lève-toi" par exemple), sa colère nuit à ses talents d'auteur.

Je ne sais pas comment fonctionne Damien Saez pour l'écriture d'une chanson. Mais il gagnerait certainement à prendre du recul, être moins productif et plus qualitatif. S'il n'a pas vocation à avoir du "succès", la réalisation d'un album vraiment abouti lui vaudrait au moins la reconnaissance de ses pairs. Il n'en a certainement rien à faire et cela ajoutera du grain dans le moulin de ses opposants : s'il ne court pas après la reconnaissance, c'est qu'il court après l'argent.

Pour en revenir à la prestation de Thônex, ke concert fut globalement très bon même si je regrette cette diatribe totalement superflue qui a gâché une bonne partie de mon plaisir.

Stephan Eicher @ Les Docks - Lausanne, 12 mars 2013

Aaah, Stephan !! Un plaisir toujours renouvelé ! Pour mon second rendez-vous sur cette tournée avec le Bernois (je l'avais vu à Thônex en novembre), ce fut une nouvelle fois un vrai bonheur. Jouant la quasi intégralité de "L'envolée", Stephan Eicher ne se facilite cependant pas la tâche. Pourtant, cela fonctionne à merveilles pour plusieurs raisons.

Stephan Eicher sait s'entourer d'excellents musiciens à qui il cède souvent la place et c'est encore le cas sur cette tournée. Mais surtout, et c'est sa marque de fabrique, la réorchestration complète de ses chansons donne un caractère unique à ses concerts. Il faut très souvent attendre les premières paroles d'une chanson pour la reconnaitre. Même les versions de son dernier album diffèrent de la version studio. C'est un réel plaisir de découvrir ou redécouvrir des chansons de son répertoire dans des styles différents. De la même manière, certaines chansons ont évolué entre les concerts de Thônex et Lausanne (notamment "Tous les bars").

Ce lourd travail en amont de la tournée témoigne du profond respect de Stephan Eicher pour son public. A mille lieux de concert formaté où l'artiste débite son dernier album à la virgule, l'Helvète entraine ses fans dans un voyage où la nouveauté côtoie sans cesse la créativité. Difficile ainsi de ne pas apprécier les deux heures en sa compagnie, d'autant plus qu'il sait adroitement manier l'humour et l'ironie, et interagit fréquemment avec l'assistance.

Dernière image de la proximité de Stephan Eicher avec son public : le concert se termine par une traversée de la salle, instruments en main, telle une fanfare modèle réduit. Magnifique. A voir ou à revoir. Encore et encore.